Ca s'est passé en 2000 ; je venais de muter dans le Sud, et il s'agissait de conduire TICOTTE III
de Lamor Baden à Port Camargue en passant par le canal du Midi.
En préparation, un stade de" chef de bord" aux Glénans à Marseillan pour me remmettre en mémoire
les fondamentaux et faire connaissance avec la Méditerranée. Moi 60 ans ; moyenne d'âge plutôt 25 ;
autant dire que je n'ai pas été me bagarrer avec les autres pour faire les manoeuvres ; je préférais
rester assis à réfléchir au bien fondé de la manoeuvre, aux erreurs aux retards de décision qui peuvent
faire tourner au drame une croisière démarrée sous des auspices favorables ; les manoeuvres, faut les
faire plutôt à l'avance, mais c'est rarement à la seconde!
C'était folklo à 6, en Attalia : y'avait mistral, force 6 à 7 en permanence et ,c'est là que j'ai
compris que le vent c'était pas trop grave tant qu'il ne soulevait pas de grosses vagues ; donc en
Méditerranée, quand le mistral souffle, il faut mieux raser la côte ; à condition d'éviter les vallées
qui canalisent et renforcent le flux : on ne passe pas la Camargue paar temps de Mistral!!!
J'aurais bien voulu apprendre les manoeuvres au moteur, mais y'avait pas (Ah les Glénans! c'est
pas grave coco ; ça t'apprendra à manoeuvrer à la voile dans les ports!!) : l'inverseur était en
réparation ; pour rentrer, on se faisait remorquer par l'autre Attalia. Le soir, les gamins épuisés et
couchés, on restait à deviser avec le moniteur, et à discuter du mécanisme des prises de décision.
Ensuite, passer le permis rivière ; pas de problème, mais je n'ai jamais été chercher à Avignon
l'exemplaire définitif ; il faudra que j'y pense si je dois repasser le Canal du Midi.
Alix m'a rejoint dans le Sud et nous avons fait les 1000 Km en voiture de location ; Jacques, le
propriétaire de Ticotte (qu'il laissait filer à regrets) nous a accueillis, briefés et a confirmé qu'il
nous accompagnerait jusqu'à la Gironde pour que je prenne le bateau en mains ; armement du bateau ;
première escale à Crouesty pour ne pas être dépendant de la marée ; puis Pornic je crois, Port Joinville,
et La Rochelle. Là, nous avons retrouvé Liliane. Le lendemain traversée bien pénible du Pertuis
d'Antioche avec une mer hachée (vent contre courant , et le tout au près!) jusqu'à la pointe de
Chassiron, maraine du bateau. Liliane certifie, comme Cicéron l'avait fait 2000 ans auparavant,qu'elle
préférait la mort au mal de mer!
Démâtage à Pauillac, assuré par Jacques qui nous confie à regrets TICOTTE et son aviron fétiche
(je le lui ai rapporté depuis, à Orléans), et nous voilà lâchés dans la Gironde. La marée est
impressionnante dans l'estuaire ; je me souviens que j'avais mis le pilote automatique, et que le petit
GPS que j'avais emporté marquait 18km/h quand nous sommes passés sous le pont de Pierre à BORDEAUX ; un
gros remous, le bateau s'est mis en travers, et j'ai vite repris la barre pour ne pas heuter la pile du
pont. L'amarrage à Bègles a été difficile ; il y avait encore 4 Kts de courant, contrés avec peine par le
moteur ; la pauvre Alix a eu les mains presque'arrachées par le bout que je lui avais passé : je n'avais
pas pensé que je devais garder le moteur embrayé pour l'aider, et elle ne savait pas encore qu'il faut
tout de suite assurer le bout sur un point fixe! et la nuit la renverse est impressionnante quand le
courant s'inverse en quelques secondes au passage du mascaret.
Ensuite, canal latéral à la Garonne, Toulouse ou Alix reprendra la train, canal du midi. Nous nous sommes envasés au moins 10 fois ; avec seulement 1,50m de tirant d'eau ! le canal fuit comme une passoire et on ne peut tout de même pas rester tout les temps au mileu ; faut bien se croiser ou accoster de temps en temps!! Les photos étaient encore argentiques à l'époque, et on en faisait beaucoup moins ; j'en ai scannées quelques unes mais
c'est pas terrible.
A Toulouse, Lilou est tombée dans le canal, au moment de l'abordage, sans un cri, sans un bruit ;
surpris de ne plus la voir , j'ai simplement entendu une petite voix sous le bateau qui disait comme pour
s'excuser "je ne sais pas nager, je ne sais pas nager". Heureusement que pour traverser le canal on
protège le bateau par de gros pneus auxquels elle a pu s'accrocher pendant que j'amarais le bateau.
A l'arrivée, le port de Sète était bloqué par les pêcheurs en colère ; nous sommes sortis par le
Grau d'Agde, en remâtant à un petit chantier sympa sur les rives de l'Hérault.
Une escale à Frontignan ; mais le lendemain, malgré un bon mistral, j'ai voulu prendre la mer ;
une fois sorti du port (au moteur vent arrière on est vite loin) demi-tour face au vent, mais là ni le
pilote ni Liliane n'arrivaient à maintenir le bateau face au vent, donc impossible de monter la grand-
voile ; en fait je ne mettais pas assez de moteur! Je me suis bien entêté, est réussi mètre après mètre à
me rapprocher du rivage, puis à gréer la trinquette sur le bas étai, ce qui nous a permis de gagner Port
Camargue, bien agréablement au portant.
Pour terminer mes bêtises, voile baissée, à l'approche de l'entrée du port, je demande à Lilou de
mettre les pare-battages ; il y a beaucoup de houle, et elle est tombée sur sa main, se faisant une
fracture du 5ème métacarpien. Elle est tout de même sympa de m'avoir accompagné pendant 7 ans après tout
ça!
Ces premières aventures et les quelques sorties faites à l'automne pour prendre le bateau en
mains : et déjà 800 milles nautiques effectués cette année-là.